Le petit train 
Le train à la gare de Plabennec

      Tout le monde connaît le quartier de la gare à Plabennec ; bien sûr on n'y voit plus de train y passer, mais nous avons voulu nous projeter cinquante ans en arrière afin d'imaginer la vie qu'il y avait autour du train. Pour cela nous avons interrogé Marcel Georgelin, un habitant du quartier, qui a fouillé dans ses souvenirs des années 30-40.

K.H. : Comment se présente la gare ?

M.G. : Le bâtiment était le même que celui qu'on peut voir actuellement avec des toilettes à l'extérieur. A l'intérieur. Il y avait une habitation, un guichet, une salle d'attente et une pièce pour entreposer les colis, les bagages.

A l'extérieur il existait une plaque tournante qui permettait de diriger les locos vers la direction que l'on désirait (Aber-Vrac'h, St Pol, Brest). On pouvait également voir deux châteaux d'eau qui alimentaient la locomotive.

  K.H. : Qui travaillait à la gare ?

M.G. : Il y avait un chef de gare, mais aussi un pompier, et deux autres personnes chargées de vérifier le train, tourner la loco sur la plaque ou encore charger et décharger les bagages. Le "pompier" était en fait là non pas pour éteindre un éventuel incendie mais pour pomper l'eau dans les châteaux d'eau. Cela représentait une bonne heure de travail pour les remplir.

K. H. : Comment se présentait le train ?

M.G. Ce n'était pas le 'train corail" avec wagon restaurant et autres ; en général, on trouvait une loco, un tender pour le charbon, un wagon pour les bagages et quatre wagons passagers. C'était des petits wagons de vingt-cinq places assises (les sièges étaient en bois, les uns en face des autres, un couloir au milieu). Les voitures étaient vitrées mais il était conseillé de ne pas les ouvrir à cause de la fumée de la loco. On rencontrait des contrôleurs sur les lignes comme maintenant.

  K.H. : Qui étaient les utilisateurs du chemin de fer ?

M.G. Celui-ci servait aux ouvriers pour aller à leur travail, aux campagnards pour monter à la ville, aux militaires pour venir en permission, etc. Je me rappelle également que des trains entiers étaient affrétés par des partis politiques pour permettre aux gens de se rendre à la plage le dimanche. Il arrivait également que des clubs de foot fassent des convois spéciaux pour se rendre à des matches capitaux, tels que St Laurent contre le stade lesnevien en 43. Pendant la guerre, les allemands utilisaient beaucoup le rail pour acheminer le ciment, du fer (pour la construction des blockhaus) sur l'Aber Vrac'h et Brignogan, d'ailleurs beaucoup profitaient que les allemands aient le dos tourné pour voler le contenu des convois.

A Plabennec les paysans utilisaient le train pour faire des échanges de bois, contre du treaz ou du goémon avec les légumiers de la côte (ils avaient déjà peu de bois à l'époque). Ceux-ci venaient à vélo faire affaire avec les plabennecois puis leur expédiaient des wagons de sable ou d'algues. Le jour venu, les paysans d'ici venaient à 4 ou 5 charrettes tirées par 2 ou 3 chevaux, chargées de fagots de bois. Celles-ci étaient déchargées sur des wagons disponibles stationnant sur une voie de garage, puis les paysans vidaient le sable dans leur charrette. A part cela les Plabennecois utilisaient peu le train pour les grosses marchandises. On voyait parfois des convois de bestiaux venant de Landivisiau ou Landerneau qui étaient destinés aux parisiens.

K. H. : Quelle était la vitesse du train ?

M.G. : Il ne fallait pas être pressé ! Une heure pour venir de Brest, près de 3 heures pour faire Plabennec-St Pol de Léon. Il faut dire que les arrêts étaient courts mais nombreux. Il arrivait que le train peine en bas d'une côte, les passagers du dernier wagon descendaient alors pour pousser sur le train (c'était très courant à la gare de Locmaria pour venir vers Plabennec). Le train roulait à 3, 4 km/h puis repartait, tout le monde remontait et on atteignait des vitesses de 30 à 40 km/h. Mais le train mettait du temps à s'arrêter. je me souviens qu'on l'entendait siffler en venant de Brest à Keradraon où il commençait à ralentir afin de s'arrêter à la gare, 400 mètres plus loin.

K.H. : Y a-t-il eu des accidents ?

M.G. Oui, en 1911. Un jeune matelot profitant du ralentissement du train avant la gare, voulait descendre du wagon pour étancher sa soif dans un des bars avant la gare (toujours aux mêmes endroits actuellement). Il est vrai que le temps que la loco fasse le plein d'eau et toutes les vérifications nécessaires il y avait pour 1/2 heure. Le jeune garçon saute sur un talus, se reçoit mal et passe sous le wagon. Il fut écrasé. La croix qui est devant le bar actuellement, aurait été mise à cette époque par les parents du jeune homme.

Un autre accident sans gravité, celui-là arriva en 1936, entre les deux bars. A cet endroit, sur la route, il y avait des doubles rails très problématiques. En effet, un jour alors que des gens jouaient aux boules devant le bistrot, une voiture venant de Brest avec les parents et leurs 5 enfants à bord, allait un peu vite. Elle freine sur les rails doubles, fait une tête-à-queue et chavire. A ce moment, on entend le train siffler au loin (à Keradraon). Les enfants pleuraient. Les gens ont lâché leurs boules et tiré la voiture qui était sur le toit. Pendant ce temps, le chef de gare de service qui regardait les joueurs de boules avait couru vers le train en agitant son drapeau. Celui-ci s'arrêta au niveau des doubles rails. Heureusement que la voiture avait été dégagée.

K.H. : Quand circulèrent les derniers trains ?

M.G. Les services de cars se développant de plus en plus et ceux-ci étant plus rapides, l'abandon du train fut décidé. Dans les années 46-47 tout fut démonté par une entreprise parisienne. Les traverses et les rails furent vendus par lots. Les graviers furent récupérés pour faire des routes et des chemins.

Voilà en quelques lignes le train à Marcel Georgelin la gare de Plabennec.

AR C'HORN-BAUD N° 5 1991 

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