< class="auto-style5">Extrait des Cartes de : Laurent Jouyeux
Les loups à PLABENNEC

QUAND ON PARLE DU LOUP...

   Désormais, quand on parle du loup... on ne voit plus sa queue, du moins dans nos régions, et ce personnage ne se retrouve plus que dans les contes ou les légendes. Depuis bien des années, ces animaux ont disparu de nos contrées ne laissant derrière eux que quelques souvenirs dans la mémoire des plus anciens d'entre nous.

Pourtant, pendant de longs siècles, les loups ont été les voisins encombrants et parfois même dangereux de nos ancêtres.

Les loups vivaient autrefois dans l'ensemble de notre région et les noms de lieux, de villages ou de champs sont là pour nous le rappeler. Ainsi, à Kersaint-Plabennec existe un village nommé "Ode bleiz" (le passage du loup) ; à Plouvien on en trouve un autre dénommé "Toul ar bleiz" (le trou du loup). A Plabennec, il n'existe pas de nom de village contenant le mot loup mais quelques champs étaient appelés "Parc ar bleiz" (le champ du loup).

Dans la journée, les loups ne vagabondaient que rarement en rase campagne. S'ils l'avaient fait, ils devenaient la cible des paysans et chasseurs. De ce fait, ils se terraient le plus souvent dans les forêts, les landes et les bois. Celui de Lesquelen leur servait fréquemment de repaire. Ce bois, au milieu du XIXe siècle couvrait encore avec ses landes voisines, une superficie de près de 100 hectares.

Que les loups attaquaient les humains c'était un phénomène relativement rare ; cependant, en période de grand froid, quand la terre gelait et que le gibier se faisait moins abondant, il arrivait qu'ils soient amenés à sortir de leurs bois en quête de pitance. Ils s'aventuraient alors loin de leurs repaires et on pouvait les voir rôder près des fermes, recherchant le bétail isolé. Un loup affamé était un animal dangereux et quand, par malheur, il ne trouvait point de gibier pour satisfaire son appétit, il pouvait se reporter sur les hommes. Au cours des hivers les plus rudes, la méfiance était de rigueur.

Deux exemples, extraits du registre des Sépultures de la paroisse de Plabennec pour l'année 1698, suffisent à nous prouver que le danger était, hélas, bien réel. A la date du 8 mars de cette année, on peut lire ce passage rédigé par le Recteur M. Noël Léon :

" ... Marie Pallier de Cleungur (Cléongar), à estée dévorée par un loup à la réserve de la tête et des entrailles ... "

Quelques jours plus tard, le 23 mars, les loups frappaient une nouvelle fois, à Kerbrat-Gouesnou, et tuaient la jeune Marie Doursal. Ces deux évènements restent cependant exceptionnels. Il ne faut pas s'imaginer que, durant l'hiver, nos fermes vivaient en état de siège et que la mort frappait régulièrement. Les populations, habituées à ce danger, disposaient de moyens de défense.
Ainsi, au XVIIIe siècle, presque chaque ferme disposait d'un fusil et de pièges. En 1708, à Cléongar, Marie Morvan veuve de Mathieu Breschart possédait une "grille en fer avec un gripe-loup". Les plus exposés aux attaques des loups, les sabotiers et charbonniers des bois de Lesquelen et du Mendy, savaient repérer les lieux de passage des bêtes et là, creusaient des trous profonds recouverts de branchages. Ces trous étaient encore visibles, il n'y a pas si longtemps, dans les bois du Mendy.

L'un des meilleurs moyens de protection était l'organisation régulière de battues. Dans un article consacré à l'histoire de Plabennec, paru dans le Kannadig de Plabennec en 1913, l'abbé Yaouank expliquait comment les habitants du quartier de Lesquelen se rendaient régulièrement en groupe dans le bois, armés de fusils et de fourches et que la capture d'un loup était l'objet de réjouissances. L'animal abattu était porté en procession à travers la commune, puis ramené à Lesquelen, où une fête était organisée. Ces battues durèrent au moins jusque dans les années 1880.

A PROPOS DE LOUPS ET DE MAISONS AVEC UNE AVANCÉE.

     On parle, par exemple, de maisons construites avec des avancées permettant de guetter et de tuer les loups. Il nous a été rapporté qu'une des fonctions de l'apoteiz ou avañs-taol l'avancée sur la façade de la maison, où se trouvait généralement la table (en existe-t-il encore dans le canton ?) était de permettre de tirer sur les loups. Lorsqu'on trouvait une nichée de louveteaux, on la portait, dans un sac ou un boutog, jusqu'à la maison ; la louve ne tardait pas à venir gratter à la porte d'entrée, et par une petite fenêtre pratiquée dans le mur de l'avañs-taol et donnant sur la porte, on pouvait facilement la tirer.

Voici ce que dit pour sa part A. Guilcher (L'Habitat rural à Plouvien) à propos de l'avañs-taol, qu'il appelle kuz-taol : "Parfois apparaît (dans l'ancien type de maison de Plouvien), une particularité léonarde, le kuz-taol (cache-table). Entre la porte et le pignon comprenant la cheminée, le mur dessine une avancée qui constitue à l'intérieur une sorte de petite pièce dans la grande, où on prend les repas. Le côté de ce saillant qui regarde la porte était, et est encore quelquefois, muni d'une meurtrière, le toull ar fuzuilh (trou du fusil), par laquelle on pouvait tirer sur les brigands. Kuz-taol et toull ar fuzuilh ont subsisté dans certaines maisons réaménagées ; mais toutes les chaumières n'en ont pas".

CHASSEURS DE LOUPS A PLOUVIEN ET PLABENNEC.

    La capture d'un loup était autrefois récompensée par le versement d'une prime, dite prime à la destruction des loups. Celle-ci était attribuée par le conseil municipal au vu du cadavre de la bête. Ainsi, en 1811, le conseil municipal de Plabennec versa une prime de 11 F 70 pour la destruction des loups ; la même année, il versa également 11 F 70 pour l'achat de 18 appâts ; en 1812, le conseil versa 12 F à Charles Bleunven pour la destruction d'une bête (1 loup adulte). A Plouvien, certaines personnes semblent s'être fait une réputation de chasseurs de loups. Ainsi en 1812, la commune versa 21 F à François Kerhuel, Yves Gogeur et François Leost, pour la destruction de 7 louveteaux. En 1813, elle versa 15 F à Pierre Simon et François Leost encore pour avoir tué plusieurs loups. En 1815, elle versa 21 F à François Leost, une fois de plus.

A titre de comparaison, le salaire d'un ouvrier travaillant dans une carrière pour la réfection des chemins était de 1 F 10 par jour, en 1808.

La carte de la présence des loups au XVe siècle

Les loups en Europe. Agrandissement de la carte de droite

La carte de leur présence à la fin XXe siècle.
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