Les Écoles à Plabennec |
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Sous l'ancien régime
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Le développement de l'enseignement à Plabennec a été, comme ailleurs, un processus lent, fait d'avancées et de reculs. Les nobles, les bourgeois et les paysans aisés souhaitent éduquer leurs enfants, et l'église veut permettre la promotion de quelques jeunes paroissiens. Toutefois des craintes se manifestent : Le procureur Général au Parlement de Bretagne pense, en 1763, que "parmi les gens du peuple, il n'est nécessaire de savoir lire et écrire qu'à ceux qui vivent par ces arts." Voltaire veut " proscrire l'étude chez les laboureurs", c'est inutile pour conduire une charrue. Diderot et Rousseau pensent, eux, que l'enseignement est instrument de promotion et de civisme pour tous les citoyens. Localement, les écoles se développent au cours des siècles. Il en existe une à Lesneven en 1426, à Ploudaniel en 1577, à Lannilis, Lesneven et Landerneau vers 1620, 1630, à Kersaint au XVIe siècle. Toutefois il n'existe pas de documents permettant d'attester de leur durée. Au XVIIIe , un prêtre aurait été chargé d'éduquer 20 garçons pauvres de la paroisse. En 1781, Monseigneur de La Marche, évêque du Léon, note la bonne tenue des écoles paroissiales de Plabennec, Ploudaniel, Landéda et Plouguerneau. Les "petites écoles" s'appliquaient surtout à "familiariser les élèves avec les vérités fondamentales de la religion chrétienne". Elles y apprenaient aussi à lire, éventuellement à écrire, puis à compter. En plus, il existe dans le Léon plus de quatorze écoles avec des maîtres laïcs, destinées à des enfants de parents aisés. Plabennec fait partie, à cette époque, d'une zone plus favorisée, aux écoles plus nombreuses, entre Landivisiau, Guipavas, et Plounéour-Trez, zone de culture et de commerce de chanvre et de lin. Cependant, la Bretagne dans son ensemble se trouve moins scolarisée que l'ensemble de la France, et surtout le nord. En 1789, un homme sur trois, et une femme sur dix, savent signer, dans le Finistère, alors que la moyenne nationale est, respectivement, de un sur deux, et une sur quatre. ... Après la Révolution. Le souhait d'instaurer une école gratuite de
garçons et de filles pour 1000 habitants se transforme rapidement en une école par
canton. En 1799 ( An VIII ), T. Le Jeune, un Plabennecois ex. Greffier et Maître d'école sera l'auteur de " Rudiment du Finistère ", c'est une grammaire de français / breton destinée aux enfants. ( Document consultable au CRBC de BREST ). ...De 1800 à 1830 à PlabennecLES GARÇONS : En 1807, la commune écrit qu'il est nécessaire de pourvoir : - au logement du curé, - au loyer de la mairie, - au traitement d'une secrétaire de mairie, - à sa quote-part pour l'école primaire, soit 60 francs pour le loyer de l'instituteur... Mais ces 60 francs ne seront pas versés avant 1814. Cette année là, Jean-Marie Guéguen, qui enseigne à Plabennec depuis un an ou deux, perçoit cette indemnité de maître d'école, augmentée pour "récompense des soins qu'il donne aux enfants malheureux". En 1820, cet instituteur, breveté, ayant fort belle signature, est âgé de 28 ans. Il a 39 élèves payant une rétribution, ses seuls revenus, et 9 enfants indigents désignés par M. le Curé et M. le Maire, en contrepartie du loyer de la commune. On lui reproche d'être querelleur et impertinent, et de s'enivrer parfois. Il fait par ailleurs "commerce de sabots, d'allumettes, de chandelles, de bouillie et de pain," sa femme étant boulangère. Il fait classe dans un local lui appartenant. En 1827, l'instituteur n'est ni breveté, ni autorisé. D'autres instituteurs, parfois non brevetés et non autorisés, passent de village en village et enseignent à domicile. Il en est noté un en 1822 et en 1827. En 1828, M. Le Gat, sorti de séminaire en 1827, "a demandé la permission d'essayer avant de se faire autoriser légalement." Il éduque 50 élèves. Cette année-là, plus de 60 enfants reçoivent aussi "des leçons particulières chez leurs parents, d'instituteurs ambulants, dont on est très satisfait," écrit le curé à l'évêque. En 1830, deux écoles de garçons existent, l'une communale, l'autre libre, tenues par deux homonymes "Le Gat". L'un scolarise 75 élèves, dont 50 gratuits, l'autre 30 élèves, dont 5 gratuits. Mais une centaine d'autres enfants n'ont aucune relation avec l'enseignement. Il est toutefois à noter que même les enfants scolarisés, ne le sont que de façon irrégulière, durant quelques mois d'hiver, en dehors de l'époque des travaux agricoles. L'état des chemins, désastreux à l'époque, et la pauvreté d'une partie de la population, ne facilite pas cette scolarisation. L'âge des élèves varie de 7 à 15 ans : c'est ce qui est pris en compte pour l'établissement de la liste des petits indigents de Plabennec. En fait, à Lesneven et à Lannilis, l'entrée se fait entre 7 et 12 ans, et la sortie, à 14 ou 15 ans, d'après une enquête de l'époque. LES FILLES : Quant aux filles, en 1823, depuis peu, une classe
tenue par Mme Vve Normant, permet l'éducation de 55 élèves, dont 8 indigentes. Suite à une ordonnance Royale de 1830, le conseil municipal décide d'allouer un traitement fixe de 150 francs, et une indemnité de logement de 50 francs, pour l'instituteur, et, respectivement de 80 francs et 40 francs pour l'institutrice. La rétribution mensuelle par famille sera de 1 franc pour les enfants apprenant à lire, 1 franc 50 pour ceux qui apprennent à lire, écrire et calculer. Le texte stipule qu'un indigent sera accepté pour cinq payants. En 1831, le conseil alloue une somme de 200 francs pour l'entretien d'un "élève-maître" à la toute nouvelle École Normale de Rennes, qui lui donnera "une année d'instruction solide, et de bonne méthode " Il considère qu'une éducation basée sur la religion et la morale est une source féconde de prospérité, qu'elle nous apprend à jouir sagement de notre liberté, ... qu'elle contribue au bon ordre,... tend de mille manières à nous rendre heureux." Le conseil veut "hâter le développement de l'instruction primaire, dont la nécessité est si vivement ressentie", dans la commune. L'école Normale de Rennes ne forme que des instituteurs, pas d'institutrices, ça ne semble pas encore nécessaire. En 1832, la municipalité décide que l'instituteur sera tenu d'admettre dans sa classe le nombre de 50 indigents, en plus des payants et exige qu'il change de méthode (vote : 8 voix contre 7) s'il veut être maintenu. La salle d'école se révèle, très vite exigüe. Un projet de Mairie-École est voté, et réalisé en 1835. L'instituteur est logé sur un terrain offert par M. Tréguier, Maire. Une liste des enfants indigents de toute la commune est alors dressée : sur les 184 garçons inscrits, seul une trentaine sera scolarisée chaque année, plus de 150 restants chez eux. Le nombre de filles non scolarisées est encore plus élevé (de 160 à 180). La moyenne française est, en 1833, un peu meilleure que celle de la région du Léon ou que celle, désastreuse, du reste du département : sur trois millions d'enfants, deux millions sont scolarisés. La loi Guizot veut améliorer cette situation, et rend la construction de l'école primaire obligatoire dans toute commune de plus de 500 habitants. Cette loi met en place des comités de surveillance, dont un, local, est composé du Maire Tréguier, du curé Le Bars, du juge de paix Lucas, du notaire et d'un propriétaire, M. Colin. Durant une visite chez Le Gat, en 1834, le maire et Colin trouvent au maître "moralité et capacité", Lucas "croit devoir observer avec impartialité, que l'instituteur ne lui paraît pas posséder les connaissances désirables, notamment en poids et mesures... pour diriger une école". Tous apprécient son excellente moralité, mais l'administration jugera finalement qu'il a "peu de capacité". Il quittera l'école communale, pour ouvrir une "école privée", dans le bourg, chez lui. En 1837, Jean Kerhuel revient de sa formation à l'École Normale de Rennes, pour "professer l'enseignement au lieu de sa naissance". Il a 70 élèves à son arrivée, puis de 50 à 60 les années suivantes, en hiver, et une vingtaine de moins en été. Il dispose d'un logement à l'école, et perçoit un traitement fixe de 350 francs de la commune, et 260 francs par les rétributions payées par les enfants, soit 610 francs en tout. La même année, Le Gat, ancien instituteur communal à Plabennec, revient de Ploudaniel, et réinstalle chez lui une "école privée", où il éduque de 20 à 30 enfants payants. Les revenus qu'il en tire ne se montent qu'à 150 ou 200 francs par an, soit bien moins que l'instituteur communal, (610 francs) ou l'institutrice communale, (de 270 à 300 francs par an). Il partira à Bourg-Blanc en 1839, où ses revenus baisseront encore, puis reviendra à Plabennec en 1840, retenter sa chance. L'effort communal. La municipalité est consciente des "bienfaits de l'instruction". En 1837, elle décide déjà "d'agrandir la classe de la maison d'école", meuble le logement de l'instituteur, et alloue un traitement assez élevé pour pouvoir fixer un instituteur suffisamment "instruit et capable". L'école des garçons ne sera construite qu'en 1849, comprenant une classe pour 120 élèves, près de l'église, le long de la route de Lesneven. Les murs de clôture et les fosses d'aisances seront ajoutés en 1851. Dans la classe, il n'existe que quelques vieilles tables et quelques vieux bancs, en nombre insuffisant. "Il faut des tableaux, des estrades, et principalement un plancher neuf indispensable pour la salubrité". Le mobilier va encore rester "vieux et vermoulu" plusieurs années. Cette même année 1849, le nouveau presbytère sera acheté au curé, qui vient de le bâtir. Ces dépenses importantes, auxquelles s'ajoutent la réfection ou le tracé de nouvelles routes, seront couvertes par les taxes sur les alcools payées à l'octroi de Plabennec, les impôts fonciers et mobiliers, sur les portes et fenêtres, et surtout par la vente de 108 parcelles, qui étaient franchises communales. Les conseillers municipaux, élus par les plus aisés de la commune, (le vote censitaire ne permet qu'à 200 électeurs hommes et propriétaires, de participer au suffrage) rechignent, et réclament des subventions, qui n'arrivent que rarement. A l'opposé de cette fraction aisée, et en général instruite, existe celle des pauvres, bien plus importante. Sur une population de 3600 habitants, en 1847, 800 sont considérés ne vivant que de charité, et subissant les disettes. (La mendicité est d'ailleurs règlementée, par jour et par zone, dans la commune). Leurs enfants ne peuvent pas fréquenter l'école, sauf peut-être quelques-uns compris dans les 30 indigents gratuits, dont les parents sont cultivateurs, journaliers, tisserands, lingère, cantonnier, tailleur, jardinier, maçon, charron, cordonnier, garde champêtre ou ravaudeur. Après 1850, L'empire de Napoléon III. La loi du comte Falloux réorganise l'enseignement, avec l'aide de Thiers. Se souvenant de la peur provoquée par la révolution de 1848, il favorise l'Église Catholique, rempart de "l'ordre social", contre les instituteurs qui sont "37000 socialistes anti-curés". La loi fut refusée par Victor Hugo, qui y vit la "sacristie souveraine", et par un évêque, Mgr Cazalis, qui lui la trouvait trop tiède, n'anéantissant pas l'Université, "ce foyer d'athéisme". ÉCOLE DES GARÇONS : La nouvelle loi structure l'enseignement dans le cadre du "Ministère de l'Instruction Publique et des Cultes". L'école communale devient alors "école publique laïque", sous la direction morale du maire et du curé. Dès 1853, la municipalité souhaite remplacer Kerhuel, bien noté, mais à qui on reproche "d'habiter, avec sa femme, une auberge, qu'il tient en réalité", plutôt que la maison que lui fournit la commune. Il est remplacé en 1854 par Frère Derrien. L'école devient donc "école publique congrégationiste". Il accueille 95 élèves dans sa classe, soit 30 de plus que Kerhuel, ce qui rapporte 1010 francs, forte somme, quand on sait que les deux tiers des instituteurs ne touchaient pas plus de 700 francs par an. Attendu le nombre considérable des élèves, le maire, Jean-Louis Moal, fait connaître qu' "un seul instituteur ne peut suffire", et réclame " un frère adjoint" au préfet. Il semble que ce "sous maître" n'ait pas été octroyé officiellement par l'administration, avant 1867, époque où les adjoints obtiennent un statut. Mais il est certain que les frères étaient deux. En effet, lorsque frère Derrien, "dont la conduite à l'égard des autorités locales était blâmable", est muté, et après que le maire se soit prononcé "sur la question de savoir si la direction de l'école doit être confiée à un instituteur laïc ou à un membre d'une congrégation religieuse", le conseil municipal "demande que la direction de l'école communale soit confiée, comme par le passé, à deux frères de la congrégation religieuse". En 1856 est demandée la création d'un pensionnat primaire. Le nombre des élèves croît régulièrement. Frère Raban, dans le civil "sieur Riou Vincent", qui vient de la Martinique, où il a été instituteur public, doit donc envisager l'agrandissement. "Grâce à cette amélioration, la commune aura deux belles classes", écrit la municipalité. En 1863, le nombre des élèves se monte à 143, ce qui donne des revenus importants, très supérieurs à la moyenne française. Les pensionnaires sont 20, mais un certain nombre de garçons de Plabennec est aussi scolarisé en dehors de la commune. Ils seront 38 dans ce cas en 1868. Une quarantaine de garçons, et autant de filles, ne seront pas scolarisés du tout. ÉCOLE DES FILLES. En 1850, Jeannette Guillou, femme d'un adjoint au maire, enseigne déjà depuis 20 ans à Plabennec, à une trentaine de filles. S'il est certain qu'elle a perçu un traitement fixe et une indemnité de logement en 1830, d'ailleurs bien inférieurs à ceux de l'instituteur, (seulement 40%), des recherches supplémentaires seraient nécessaires pour les vingt années suivantes, durant lesquelles on na aucun détail sur l'école elle-même. Quand la commune ou l'état parle "d'école communale" ou de "maison d'école", il s'agit toujours de celle des garçons. Le maire affirme qu'elle "ne fait classe aux filles, que par dévouement". L'instituteur perçoit 200 francs de fixe de la mairie, elle , 60 francs. Cette année-là s'ouvre dans le bourg, une école libre, concurrente, tenue par Marie Grall, dont les revenus sont donc constitués uniquement par les rétributions des parents. Dans cette "école bretonne", on apprend à lire le Breton, un peu de calcul, le tricot, peu d'écriture. Ces classes, tenues par des institutrices en général sans brevet, se sont multipliées rapidement. Très mal jugées par les inspecteurs, de niveaux très différents, elles semblent avoir eu un franc succès au départ dans la population. Si bien que Mme Guillou transforme aussi l'école communale en école Bretonne. Le nombre de filles scolarisées passe, en trois ans, de 40 à 115, pour retomber, cinq ans après à 60, en 1858. C'est alors que le Conseil Général du Finistère décide d'aider "les communes qui fonderaient des établissements de bienfaisance, ayant à la fois pour objet, les soins aux indigents, et l'éducation des filles". Le maire, M. Moal, note que "dans cette importante commune de près de 4000 habitants, il n'existe pas un seul médecin, ni un seul pharmacien, et il faut aller à quatre lieues, soit à Brest, soit à Lesneven, soit à Lannilis, chercher pour les malades pauvres, des secours qui le plus souvent arrivent trop tard ou n'arrivent pas du tout". Il décide donc de créer "un établissement de bienfaisance, qui sera tenu par trois religieuses, dont deux feraient la classe, et une entretiendrait une petite pharmacie, et porterait des soins aux malades indigents". Le 10 septembre 1859, Marie Rose Crouton, Sur de la congrégation de Saint-Méen Le Grand, près de Rennes, prend la direction de l'école publique de Plabennec, dans l'ancien presbytère. Le nombre de filles scolarisées avoisine bientôt la centaine, dont une trentaine de pensionnaires. Les "institutrices communales" suivantes seront Marie-Aimée Frotin et Joséphine Pannetier, nommées en religion, Sur Saint Eugène et Sur Sainte Clotilde. En 1864, le ministère conteste le besoin de deux classes neuves. Toutefois, la "Maison d'école et de charité" sera construite en 1866 par l'entreprise Omnès, peu de temps avant la loi Duruy, qui impose les écoles de filles dans les communes de plus de 500 habitants, et normalise les traitements des instituteurs, payés en partie par les communes. Le maire de Plabennec se plaint du "surcroît de charges", auxquelles viennent s'ajouter la nécessité de loger les maîtres et les maîtresses, les achats de livres pour les distributions de prix aux garçons et aux filles, et les frais pour la première bibliothèque scolaire. SOURCES Écoles primaires dans le Léon (1796 - 1833) de Jaffrédou (musée de Trégarvan). Archives départementales. Archives mairie. Fanch COANT AR C'HORN-BAUD N° 6 - 1992
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